Ca gronde. De plus en plus, ça gronde. Les pointes, les piques dures, tout ce venin fourmille sur mes lèvres et ne demande qu'à s'échapper. J'ai des envies de carnage. Pas des envies de meurtre, non. De véritables envies de boucherie, sans raison.
Sans raison, oui. Sans raison.
Il y a des phrases qui traînent dans ma tête, et je n'arrive pas à m'en défaire. C'est le seul truc auquel mon cerveau malade a réussi à se ratrapper, sans doute. Je suis piégé dans la toile, mais, pire que tout, je me sens en phase de devenir l'araignée. Mais, garder encore un peu un regard lucide, un ton courtois, cordial, distingué, presque amical, et sourire à Madame ou Monsieur. Sois gentil tiens toi sage tu auras un bisou.
Allez mon enfant, tu paieras tes impôts comme tout le monde.
Une bulle se forme tout autour de moi, et tout d'un coup, je me sens grandir, grandir, toujours et encore, jusqu'à ce que ma tête se perde dans ce qu'il reste du ciel. Je dépasse les maisons, les immeubles. Le plus grand des gratte-ciels que l'on peut imaginer reste un nain à mes côtés. La bulle explose. Que le monde est petit. Je souris. Ca n'a pas de sens et ça n'a jamais cherché à en avoir. Pourquoi en aurait-ce besoin? Et ça rit, et ça ne cherche pas à réfléchir. C'est consternant, c'est pathétique, c'est tout ce que l'on voudra, et ça n'a pas d'intelligence. Et puis, un type qui ne rigole pas s'avance, au milieu de la foule. Merde, quelle mine blasée. Il sort une arme à haute fréquence de tir bien puissante, genre un fusil d'assaut, un AK47, quelque chose comme ça. Et puis il se met à tirer sur tout le monde, au pif. Le point positif de la chose, c'est qu'il ne tire plus la tronche, il s'est mis à sourire maintenant, je crois même qu'il a un petit rire amusé. Et il tire, et il tire. Il sort une grenade, la dégoupille et la lance sur sa gauche en poussant un cri plein de bonhomie. Il a une ceinture d'explosifs autour de la taille. Le meilleur pour la fin, sans doute. Déjà une bonne soixantaine de morts. Il lâche un rire fou, allume une des mèches de sa ceinture rouge, et se tire un balle dans le crâne. Son sourire est parti, dix autres personnes aussi, lorsque la ceinture a explosé.
Drôle. Ah-ah.
Et là je la sens qui s'insinue doucement, la peste. La garce. La folie. Elle rampe, se faufile là-derrière, elle se contorsionne un peu pour trouver un passage, une faille dans mon crâne lui permettant d'atteindre le cerveau. J'ai trouvé mon bon sens par terre l'autre jour.
C'est horrible. Je me fais peur tout seul, parfois. Et pas sans raison, non. Pas sans raison.